Iron Sky, édition Novlangue

Götz Otto & Julia Dietze as Klaus Adler & Renate Richter in Iron SkyUne « inspiration » capillotractée s’agissant de Combat Mission mais après tout, Je fais ici ce que je veux. Les patrons de troquets n’ont-il pas le privilège, en conformité avec la loi, de pouvoir pisser dans leurs fûts de bière? Enfin, il me semble…faut vérifier.

Iron Sky sort aujourd’hui en DVD et Blu-Ray en France, après un engouement qui ne s’est pas démenti « sous le manteau » durant près d’un an.

Après avoir poussé par réflexe un « Oh ! Nooon ! Ils ont osé ! » qui fait bien en société, surtout si on l’assortit d’une gifle de la paume sur le front et qu’on parvient à dissimuler sa jubilation par anticipation, le pitch seul de cette œuvre improbable suffit à convaincre d’y poser ses griffes.

« A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, grâce aux progrès de l’anti-gravité, les Nazis fuient la Terre pour se réfugier sur la face cachée de la lune. En 2018, ils reviennent, prêts à instaurer le quatrième Reich »

Ça, c’est l’incroyable pitch informatif, celui qu’on retrouvera sous des variantes diverses à l’arrière des jaquettes imprimées un peu partout à l’étranger. On reviendra justement sur ce point.

IronSkyAfficheIron Sky est une parodie déjantée, délirante, dont le thème paraît avoir été lancé un soir de beuverie, les grandes lignes écrites dans un pré-coma éthylique et, pour une raison invraisemblable, a finalement été poursuivie et finalisée. Mon billet ne s’attachera pas à la critique du film (d’autres le font bien, ici et  par exemple), et je ne soulignerai que la présence au casting de Götz Otto, manifestement abonné aux rôles de Nazis puisqu’on peut le retrouver dans « La Chute » et «La liste de Schindler » sans changement de costume, et Julia Dietze, aux qualités d’actrice tellement…évidentes.

En préliminaire de mon propos principal, il est important de signaler que le film ne se montre à aucun moment complaisant et à quelque degré que ce soit à l’égard de l’idéologie nazie. Ce point ne fait pas de doute ; pour vous donner un point de comparaison, il y a sans doute plus de connivence et de tendresse à l’adresse des Nazis dans « Papy fait de la résistance » que dans ce film. Du reste, les Nazis ne sont dans Iron Sky des prétextes grotesques et cyniques pour sévèrement décaper les vernis des démocraties dites « progressistes », qu’on ne s’y trompe donc pas, le message est sans ambiguïté.

Je ne pointerai donc du doigt que l’emballage du DVD. Débutons par la jaquette allemande dont on peut imaginer, pour des raisons compréhensibles, que c’est celle qui se montrera la plus timorée et consensuelle.

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A l’exception de la disparition subtile des croix gammées par une pulvérisation de la Wolksvagen porteuse de fanions et l’escamotage de celle de Götz Otto derrière le divin coude de Miss Dietze (La représentation de la Croix Gammée est interdite en Allemagne, « Dura Lex, Sed Lex », on ne sera pas étonné qu’on ne badine pas outre-Rhin avec ces choses là) l’ensemble se révèle pourtant globalement fidèle aux versions vendues dans la plupart des autres pays. Le Pitch servit derrière la jaquette nous sert bien du « Nazi », du « Reich » et lance l’intrigue avec l’ensemble des éléments informatifs qu’il est normal d’attendre vis à vis du thème.iron sky 3

D’autres jaquettes jouent dans les nuances et certaines iront un peu plus loin dans l’affichage des « symboles qui fâchent » ou en matière de slogan explicite, tel « The Reich Strikes Back » qu’on trouvera parfois en sous-titre. Je vous mets sur le côté en petit format l’une de celles qui se montrent les plus « incorrectes » en multipliant les apparitions des banderoles honnies.

Parce qu’il peut en être différemment vous dites-vous peut-être ? Oui, dans la version française…

iron_sky franceNon, ce n’est pas l’affiche d’un quelconque film de science-fiction, c’est bien celle d’Iron Sky telle qu’elle apparaît sur les jaquettes française. Outre qu’on aura  éconduit la lumineuse Julia avec une injuste goujaterie (en même temps que son uniforme de SS, évidemment), l’astuce est commode pour reléguer à la corbeille toute référence visuelle renvoyant au Nazisme et y substituer l’évocation d’une « Science-fiction familiale ». Notez également que la police d’écriture gothique n’a pas été conservée dans le sous-titre « Nous venons en paix ». Seul l’observateur attentif, averti et plus féru d’histoire que le quidam moyen relèvera tout juste la croix noire de l’armée allemande, « clin d’oeil » par ailleurs absolument neutre en terme de « charge » idéologique. Je parierai presque que les concepteurs de la jaquette ont tout de même âprement débattu pour savoir s’il fallait la faire disparaître ou non à l’infographie.

Car l’arrière de la jaquette vaut également des points. Je vous convie d’abord à jeter un œil au pitch tel qu’on le trouve souvent libellé sur les sites de vente. Et à le comparer au texte in-extenso qu’on trouve à l’arrière du fameux DVD français :

« Depuis 70 ans, ils nous observent. Dans l’ombre de la face cachée de la Lune, ils se préparent à l’attaque. En 2018, le mal absolu renaît…la guerre contre l’envahisseur sera totale. A mi-chemin entre Inglorious Basterds et Independance Day, Iron Sky est une épopée spatiale d’un genre nouveau, ovationné dans le monde entier. C’est votre tour d’assister sur Terre et dans l’Espace à l’ultime combat de l’Humanité face à une menace qu’elle pensait avoir exterminé. L’invasion commence. Préparez-vous au Blitz ! »

Vous avez remarqué ? Le texte est pratiquement identique, sinon que le mot « Nazi » a tout simplement disparu. Vous aurez beau retourner le boîtier dans tous les sens, il n’y aura rien de plus à lire que ce que je viens de vous livrer.

Notez également que les distingués rédacteurs ont trouvé le moyen de décrire l’objet sans y inclure « Allemagne », « Reich », « 1945 »…un véritable tour de prestidigitation ! Le « Mal Absolu »-expression « attrape -tout » par excellence- est un nom, mais plus encore un qualificatif péremptoire (que ne renierait pas George W. Bush avec son « Axe du Mal »)  et fermé au décryptage.

A celui qui ouvrirait alors  son clapet pour remarquer « Mais…ce sont en fait des nazis! », une armada de bas-de-la-pensée vous rétorquera probablement, gonflée d’un humanisme prêt-à-porter « Mais…insinuerais-tu que « Nazi » et « Mal absolu » ne sont pas parfaits synonymes? ». A ce moment, il faut se taire. Vous avez dit Le Mot déjà une fois, le répéter vous rendrait suspect de sympathie, un simple « Oui, mais… » sonnerait comme un aveux. On n’est pas à l’abri d’un procès.

Nul doute que celui qui s’est battu pour que le mot « Blitz » figure tout de même subisse depuis le regard torve de ses collègues , et que par inquiétude pour l’avancée de sa carrière, il se soit délesté du disque de Wagner qu’il avait parmi d’autres dans sa boîte à gants. On ne sait jamais, les rumeurs vont vite…

On peut imaginer que les choix qui ont été faits l’aient été sous la pression de quelques groupuscules bien pensants, mous de la calotte crânienne, qui ont passé ces trente dernières années à inventer des « Personnes de petite taille », « mal-voyants » ou « personne de couleur » à la place des termes consacrés auparavant, de sorte que la Biographie de Gary Coleman a pris 50 pages sans qu’on y ait pourtant ajouté une phrase.

Mais je pencherai plutôt pour -et c’est plus grave- une auto-censure à des fins mercantiles d’une part, et de façon à s’épargner tout désagréments « après coup » d’autre part.

Si celui qui a eut précédemment vent du film n’en sera pas davantage victime, qu’en est-il de celui qui « ne sait pas » ? Ne peut on pas considérer qu’il est proprement trompé sur le contenu d’une marchandise ainsi grimée, qu’il mettra dans son caddie d’un œil distrait ?

Iron Sky sort donc en France aujourd’hui même en version Novlangue. Je n’utilise pas les mots pour dire ce que tu es, et tu finis par ne plus exister. Tout est lisse, rien n’est poreux. Z’avez le bonjour d’Orwell.

bonjour d'Orwell

En bonus, toi aussi, fait tes propres présentations Novlangue d’oeuvres connues à partir de ces exemples :

« La chute » Un chef d’État confronté à l’échec de sa politique. Une plongée intimiste à l’intérieur des coulisses du pouvoir.

« La liste de Schindler » : Un grand industriel finit par préférer l’amitié à l’argent. Une histoire qui fait du bien en période de crise!

«La Rafle » : Jour d’affluence au Vélodrome après que, par erreur, on y ait annoncé une course cycliste.

« Le journal d’Anne Franck » : L’histoire véritable qui a inspiré les producteurs de l’émission « Secret Story » à la télévision.


Iron Sky – Bande Annonce (VOSTFR) par scootaway

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2 Responses to Iron Sky, édition Novlangue

  1. Xavier dit :

    Ach, Kolossal poilade! Chai beaucoup rigolé à la lecture deiner kleine billet! Sehr Gut! Himmel Gott! Schnell, Ach la guerre gross Malheur…

  2. Carlos dit :

    Bienvenu M’Sieur Xavier.

    Je te cacherai pas que je suis un chouillah déçu de cette intervention. :p
    J’espérais attirer dans mes filets quelques lecteurs choqués, outrés, prêts à me jeter l’anathème à la tronche. 😀
    C’eut été un bon prétexte pour débattre et de mon côté pour déplier deux-trois trucs « pour aller plus loin sur le sujet ».

    Bon, ben spa grave. 😀

    Tiens sinon par ailleurs, j’ai entrevu (sans trop d’attention ni le son sur la télé) le spot TV qui fait la Promotion de Iron Sky. Sans en être certain, il ne me semble avoir vu aucune fraction de seconde une image de nazi, et l’ensemble ( je n’avais pas le commentaire en voix-off) faisait visuellement penser à un teaser pour un Independance-Day-Like tout ce qu’il y a de plus banal. A vérifier.

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