Si ce sont véritablement toujours « Les vainqueurs qui écrivent l'Histoire », il semble difficile sous cet angle d'expliquer les raisons de la postérité de la Bataille de Villers-Bocage dans l'historiographie de la Seconde Guerre Mondiale et, plus généralement, la mémoire collective. Car ceux qui furent -au bout du chemin- les vainqueurs n'avaient guère à cet endroit de raisons de pavoiser.
En effet, le 13 juin 1944, Michael Wittmann anéantit aux commandes de son Tigre -presque à lui seul si on en croit la légende- une colonne de blindés britanniques qui pénétrait dans Villers-Bocage "comme à la parade" et croyait pouvoir traverser la ville sans coup férir.
L'envergure de cet engagement en termes d'effectifs, assez dérisoires, ne paraît pas non plus justifier que même le moins spécialiste fronce encore aujourd'hui les sourcils en se disant « J'ai déjà dû entendre parler de ça en programme de Terminale » à l'évocation du nom de ce village de Normandie de 3000 habitants qui, raison supplémentaire, ne semble pas devoir retenir l'attention par sa taille.
Bien sûr, lorsqu'on se penche un peu mieux sur le contexte de ce 13 juin 1944, on ne peut s'empêcher de trouver à cette bataille des conséquences qui méritent au moins une ligne dans les meilleurs livres d'Histoire. Ce désastre du point de vue des Alliés marquera en effet un coup d'arrêt durable aux espoirs de prendre Caen dans les premiers jours du débarquement et sonne comme un avertissement assez symbolique que la lutte en Normandie ne se fera pour personne la fleur au fusil.
Il est pourtant je crois d'innombrables batailles de la Seconde Guerre Mondiale qui peuvent se targuer de « meilleurs attributs », dont les enjeux ont été plus gros et les conséquences plus importantes, sans pour autant que leur retentissement donne autant d'écho, après 70 ans, que celle là.
Je pense pour ma part que ce qui préserve Villers-Bocage de l'oubli tient au traitement qui lui fût fait alors, et qui reste d'une certaine façon vivace dans l'imaginaire des amateurs d'aujourd'hui du conflit. Car la propagande de l'Allemagne Nazie en a fait ses choux gras et, pour paraphraser ce que j'ai déjà dit à propos du sort de Wittmann, elle était très satisfaite de fabriquer là une sorte de Héros Romantique, un idéal rêvé de vertu chevaleresque qui, armé de son expertise et de son courage, n'hésite pas à charger « lance levée » (en l’occurrence un 88 mm des familles) un ennemi plus nombreux.
Voilà une image censée parler à l'homme de 1944, mais tout autant à celui de 2013 en France, pour lequel -sauf exception- la guerre n'est qu'un événement abstrait, dans laquelle il lui plaît de voir l’héroïsme et les Grands Actes, préférablement aux corps mutilés, aux familles décimées, à la souffrance et la mort.
Erasme disait "La guerre paraît douce à ceux qui n'en ont pas l'expérience". On tient là l'essentiel : l'Audace du « coup de main » de Villers Bocage, glorifié par la propagande puis lavé du sang par les années qui nous en séparent, est assez resplendissant pour éclipser la sordide réalité des corps qui jonchaient le soir du 13 juin 1944 les rues de cette petite ville normande.
Par ailleurs, au crédit de cette notoriété doit-on aussi sûrement trouver dans quelques esprits une fascination parfois troublante pour l'armée allemande et, encore plus prosaïquement, une attirance virile proverbiale (et passablement honteuse) pour les "grosses berlines" comme le fût le Tigre I. Sans doute.
Sorti de cette digression, mon billet est là pour vous pointer le scénario réalisé sur ce thème par Wespe (sur une carte de Ledens; Wespe et Ledens traînent l'un et l'autre le plus souvent leurs guêtres sur Appui-Feu). Il est intitulé « Les Rats du Désert ». Après des tentatives visant à reproduire scrupuleusement la situation historique de la Bataille de Villers-Bocage, l'auteur dût manifestement se rendre à l'évidence que ni l'équilibre de la partie ni l'intérêt ludique n'étaient au rendez-vous. Aussi, c'est sur une « partition libre » et le support de cette carte très travaillée qui reproduit les lieux que Wespe nous livre une « Inspiration de la Bataille de Villers-Bocage ». Elle donne cette fois la part-belle à l'intensité, à des effectifs consistants et pugnaces, et une chance raisonnable aux deux adversaires.
Je n'ai pas personnellement testé cette uchronie de Villers-Bocage mais il m'a semblé pouvoir faire confiance aux nombreux testeurs, vieux routards de Combat Mission, qui sont unanimes à saluer la qualité de l'ouvrage.
A voir, ailleurs – Présentation, captures d'écran et téléchargement sur Appui-Feu des « Rats du Désert », scénario Battle for Normandy (qui nécessite Commonwealth Forces)
Dommage qu’on n’en dise pas plus sur cette bataille, j’ai l’air idiot.
Argh, pas con, j’ai pris à tort la chose comme un fait acquis et du coup n’en ai pas dit grand chose.
Je dois avoir tendance à penser que ce que je sais/ que ce que j’ignore sont universels. 😀
Je viens d’ajouter à l’arrache -à défaut de mieux sous le coude- un lien vers l’article Wikipédia en début de billet. J’ajouterai ce soir une ligne ou deux sur le déroulé.
Et du coup, au passage, tu te payes de luxe de réduire à néant avec un seul orteil toute mon argumentation qui part du présupposé d’une bataille « célébrissime » 😀
Très bel article, tu trouves toujours les bons mots. J’apprécie beaucoup ce scénario, j’en ai créé plusieurs mais ceux de cmx2 sont quand même beaucoup plus agréable à jouer tant que par la beauté des graphiques que des nouveautés du nouveau moteur de jeu apporte.
La taille de la carte ainsi que les unités nombreuses offrent beaucoup de possibilités tactique, les fans de grandes batailles seront comblés.
J’ai procédé à de nombreux tests et je dois avouer que je n’ai jamais été lassé.
D’ailleurs je le referais côté allemand pendant les vacances ou en automne selon la disponibilité de mon temps libre 😉
Pitite question: Uniquement PBEM ou l’IA existe?
Ah oui tiens ! C’est vrai ça !
Je n’ai pas la réponse mais mon petit doigt me léchouille l’oreille pour me dire non, pas d’IA.
J’en profite au passage pour donner le lien vers le fil de discussion sur AF, que je n’avais pas intégré au billet.
Seulement H us H, sous cmx2 je ne conçois que des scénarios opposants des adversaires en chair et en os, c’est bien plus passionnant et l’IA ne remplacera jamais un adversaire réel.
Pour faire échos à cet article, vous trouverez ce mois ci dans le magazine 39-45 le hors série Normandie 1944 sur la bataille de Villers-Bocage. Il est consacré au second épisode de la bataille, juste après les actions de Wittman dans la matinée et qui voit s’opposer dans cette localité le 1/7 Queen’s appuyé par le B Squadron du 4th CLY et des unités de la Panzer Lehr, les Tigres du 1/SS Pz Abteilung et le 5/Pz Rgt 2 de la 2° Pz-Div qui arrivent par le Sud.
Le bilan est flatteur pour les anglais qui parviennent à mettre hors de combat un grand nombre de Tigres.