Bataille pour Borgo Cascino

De la même façon que d’autres genres narratifs comme le roman ou le cinéma, je crois que le « récit de partie » recèle aussi ses propres codes, dont l’usage habile garantit le tissage d’une trame à la fois efficace et agréable à la lecture.

Si je suis bien incapable de maîtriser ces codes à la perfection, et suis toujours à la recherche d’une illusoire Pierre Philosophale qui transcenderait mes compte-rendus, il me semble par contre assez facile d’identifier deux préoccupations principales et préalables à la création d’un « Récit de partie ».

Les caractéristiques de la situation d’abord, puis la façon de les traiter ensuite.

Il est à-priori beaucoup facile plus de jauger le potentiel narratif d’une situation que d’être toujours rigoureux et expert sur la manière de la traiter. A titre personnel, pour évaluer un potentiel, je suis soucieux de deux critères afin de porter mon choix sur un scénario plutôt qu’un autre.

Le premier tient à la la géographie du champ de bataille et l’aisance qu’aura le lecteur pour la comprendre et rapidement s’y repérer. Les images successives du récit multipliant les angles et les focus, il me parait important que le « spectateur » puisse savoir où « se joue » l’action sans nécessairement devoir se référer au texte. Pour ce faire, il suffit que le terrain soit parcouru d’une ou deux caractéristiques saillantes pour que, celles-ci figurant à un endroit ou à un autre du panorama qui est montré, le lecteur puisse continuellement faire une sorte de triangulation. Autrement et plus simplement dit: s’orienter. Par exemple, il peut s’agir d’une élévation facile à distinguer, d’un village au profil particulier, d’une rivière qu’on ne peut confondre…ect…

Il n’est ainsi pas forcément plus difficile de se situer sur une grande carte que sur une petite. Ce qui compte est ce qui est susceptible de rompre l’uniformité d’un paysage, d’agir comme une « balise » pour l’observateur. La carte d’ « Avanti ! » est un modèle du genre : quoi de plus typique qu’une vallée encaissée, enclavée entre deux collines? Il ne m’a suffit que de nommer les collines pour qu’en fonction de l’angle de prise de vue, on sache toujours presque parfaitement où est postée la caméra.

Les deux collines et le village de Borgo Cascino étaient également à ce titre des « bons clients ». Sans avoir jamais joué le scénario, je crois qu’un spectateur peut assez aisément identifier la localisation d’une quelconque prise de vue -même en plan serré- par rapport à l’ensemble du champ de bataille. Il suffit de faire en sorte de toujours lui faire savoir où sont les collines et/ou le village par rapport à ce qu’on lui met sous le nez.

Le second des éléments tient tout bêtement à la photogénie de la situation. Par exemple, si l’excellent « Bad Day at Beach RED » dispose d’une carte assez « typique », qui remplit le premier critère par la présence d’une plage/repère visuel très efficace, le fait que le scénario se joue avant l’aube et que le terrain soit abondamment boisé sont des particularités relativement handicapantes pour un AAR: les images seraient pour beaucoup sombres et alourdies par la faute d’une végétation trop généreuse. L’addition des deux rendrait la narration probablement complexe à l’entendement. On fera la même remarque pour « Valleys of Decision » qui, malgré une crête centrale qu’il est difficile de surpasser comme repère de qualité, se joue dans les mêmes conditions que « Bad Day at Beach RED », le brouillard et la pluie en plus. Pour ces raisons, je n’ai rapporté ni l’une ni l’autre de ces parties.

Bref, je trouvais à contrario dans « Battle for Borgo Cascino » un environnement baigné de lumière et plutôt dépouillé, qui rendrait joliment comme tel sur les captures d’écran.

En dehors de la facilité de compréhension de la carte et de la photogénie, pour lesquelles « Battle for Borgo Cascino » avait de bons atouts, il y avait bien sûr un autre élément à prendre en compte, qu’il était toutefois plus difficile à anticiper : la densité et l’intérêt de l’action qui va prendre sa place tout au long du récit.

Là où « Avanti !’ aligne des effectifs assez importants sur une carte exiguë, et promet donc une confrontation assez dense, « Battle for Borgo Cascino » oppose au contraire et avant tout La Distance, et un développement qui n’est émaillé que d’actions brèves et espacées. En jouant et relatant les premiers tours de cet engagement, j’ai progressivement été saisi de cette caractéristique originale et du contraste entre le contenu de ce récit et les précédents.

Je doutais finalement, malgré un premier abord favorable, d’avoir misé sur le « bon cheval » en choisissant de réaliser un compte-rendu de ce scénario. 

Et puis plusieurs semaines se sont écoulées tandis que j’avais laissé mon rapport à mi-chemin, et je ne l’ai relu que tout récemment en vue de sa publication ici. Ma mémoire en partie envolée m’a rapproché de la condition de lecteur distancié des évènements  Je l’ai alors trouvé beaucoup plus intéressant. Il n’est pourtant rien de changé dans la dilution de la bataille dans l’espace et le temps ; simplement que cela donne à l’ensemble une singularité, un charme insolite éloigné des chroniques trépidantes de combats sans répits. Vous serez juges pour vous-même de l’intérêt de ce nouveau récit, prochainement mis à jour selon le même rythme qu’ « Avanti ! »

Récit de partie « Bataille pour Borgo Cascino » (27 premiers tours)

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