Battre la Campagne…

battre la campagne

(…où font rien que mugir ces féroces soldats)

S’il est une partie du jeu qui constitue pour le novice une source perpétuelle d’étonnement (avant d’être celui d’une frustration diffuse), c’est bien le système de Campagne.

Au nouveau venu qui demande ingénument « Où est le menu pour accéder à l’échelon opérationnel du jeu ?», l’initié, le vieux grognard répondra dans un murmure, en endossant à demi-honteux la responsabilité pourtant dévolue à Battlefront : « Il n’y a pas d’échelon opérationnel ou stratégique dans Combat Mission ». Cette phrase achevée dans un soupir, l’initié commencera généralement à grincer des dents, anxieux de la terrible riposte qui ne tarde généralement pas sous la forme d’un « Sans Blague ? » mi-incrédule mi-railleur.

C’est ainsi et malgré les quinze années ou presque qui nous séparent de la première mouture du jeu, il n’existe aucun échelon intégré qui soit supérieur à l’échelon tactique et avec lequel un « dialogue » serait possible. Le système de campagne ne constitue pour l’heure qu’un support narratif étroitement borné, comme les pages d’un livre qu’on tournerait, sans écart qui n’ait été soigneusement programmé au préalable. Tout juste peut-on entreprendre de mener sa petite troupe à la meilleure fin possible, mais aucunement de lui assigner un objectif original, décidé en toute liberté. Si une campagne exceptionnelle comme « The Devils’ Descent » se propose de faire illusion, ce n’est que grâce à une arborescence généreuse et savamment agencée ; Malgré son raffinement, elle est -et reste comme toutes les autres- tributaire des limites de l’outil.

Comparé aux autres jeux du marché qui gravitent eux-aussi dans l’univers de la tactique et/ou de la stratégie, ce parti-pris relativement assumé marginalise indubitablement Combat Mission. Le fait peut paraître d’ailleurs si étonnant qu’on aura probablement tendance à mettre au compte d’une paresse du développeur ce qui, en réalité, est du pour une bonne part au fait que Combat Mission évolue dans un créneau subtilement distinct, dont les contours précis sont indiscernables à celui qui ne jette qu’un bref coup d’œil au produit et aurait tendance à le ranger sans égards excessifs parmi les STR « classiques ».

Notez d’abord que si – par exemple- Combat Mission : Battle for Normandy devait  inclure une dimension qui permette de rendre compte de toute la Bataille de Normandie, il lui faudrait nécessairement user d’une « solution de continuité » et l’assumer en tant que mécanisme de jeu. En effet, il existe bien un vaste « trou » en termes d’échelle de jeu entre les engagements simulés par Combat Mission et les opérations impliquant plusieurs divisions voire armées sur la totalité du Front de Normandie.

A l’inverse, si on restait ferme sur la continuité d’échelle, une dimension « immédiatement supérieure » ne pourrait engager que quelques régiments ; les actions d’une seule Division formeraient déjà une entreprise ludique colossale. Nous sommes assez loin d’un échelon qui stimule l’imagination du stratège et lui permettrait d’envisager de suivre le parcours de toute une armée des plages de Normandie jusqu’aux portes de Berlin. En pratique, tout juste pourrait-on se contenter d’actions locales, étalées sur quelques jours seulement. Rien qui n’ait assez d’envergure pour rassasier le joueur avide de réécrire une page importante de la Grande Histoire.

Évidemment, si Combat Mission s’appropriait l’abstraction consistant à représenter des Divisions entières par quelques Compagnies sur la carte tactique ; En somme, si Combat Mission admettait le principe du « Grand Saut d’échelle », il ne serait certes pas le seul. D’autres l’ont depuis longtemps précédé sur ce chemin. Mais combien prétendent être des simulations ? Et Combat Mission pourrait-il toujours s’élever à cette prétention en faisant sien ce genre de raccourci ludique ?

Le système de campagne actuel, en se contentant de mettre en scène des « tranches de vie » discontinues, refuse de s’atteler à la résolution de cette épineuse question. Il a au moins le modeste mérite, en ne s’avançant pas sur ce terrain, d’éviter tout faux pas.

Pour autant, il faut s’avouer qu’il serait bien difficile de résister aux sirènes d’un système ambitieux qui parviendrait sur la base de Combat Mission – et sans s’embarrasser de scrupules- à articuler tous les échelons nécessaires et « replier » l’ensemble de la Seconde Guerre Mondiale dans un unique écrin.

C’est ni plus ni moins que cette ambition que s’est fixé la Méga Campagne Permanente dont Appui-Feu brosse les scories depuis déjà plusieurs années et qui initie depuis peu sa troisième (et finale ?) mue.

eastfrontLa MCP III (pour les intimes) se propose en effet de couvrir l’ensemble du conflit à l’échelon opérationnel (en utilisant à ce niveau le système du jeu du wargame Eurofront sur support VASSAL*) et d’y « insérer » Combat Mission pour résoudre les engagements distincts entre pions.

Il n’est pas besoin de davantage que cette terrible ambition pour titiller d’emblée la part de rêve qui réside en chaque wargamer. Encore faut-il, pour faire perdurer ce réflexe d’enthousiasme, que l’improbable mayonnaise finisse par prendre. Si je suis à titre personnel très perplexe sur le devenir du projet tel qu’il a été bâti, je ne pense pas que chacun, pour son propre compte, puisse faire l’économie d’au moins l’examiner en explorant les différents liens que je vous propose juste à la suite. Et peut être, en s’engageant, à faire du fantasme une réalité « tangible ».

* Plateforme de jeu déjà évoquée dans « Zuntzu, l’Art de naguère »

Présentation de la Méga Campagne Permanente sur Appui-FeuModule VASSAL pour la MCP, tutoriel d’installationLe journal de la MCP — Inscriptions

A venir : Un billet et un article « exhumés » à propos d’un jeu qui -pour le coup- nous éloignera beaucoup de Combat Mission. Je vais ainsi profiter du prétexte (assez fallacieux avouons-le) qui m’est offert par le thème que nous venons d’évoquer (une Campagne Stratégique viable pour Combat Mission) pour vous le soumettre en source d’inspiration possible. Je ne suis plus à un acte de mauvaise foi ni un grand écart près.

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2 Responses to Battre la Campagne…

  1. Dingchavez dit :

    Notons également l’existence des campagnes « Sie Kommen » pour CMAK ETO et CMBN, qui propose une expérience à deux joueurs. Certes il ne s’agit que de déterminer la mission suivante par rapport aux résultats de la partie qui s’achève, mais cela permet d’avoir une impression de continuité intéressante.

    Je ne peux également m’empêcher de parler de la campagne allemande du module NATO pour CMSF, une petite perle aux multiples embranchements mais réservée au jeu solo…

    Biz

  2. Carlos dit :

    Notons également l’existence des campagnes « Sie Kommen » pour CMAK ETO et CMBN, qui propose une expérience à deux joueurs.

    J’ai effectivement découvert à ma grande surprise, en traduisant le chapitre consacré à la création de campagnes, que le mode deux joueurs était tout aussi possible que le mode solo, sans tripatouillage particulier (cette possibilité est décidée lors de la création de la campagne). N’ayant jamais vu d’exemple sous les yeux, je ne m’en doutais pas. De même, logiquement, il est possible de définir un pool d’unités rémanentes pour chacun des deux camps.
    Une campagne « deux joueurs » réussie suppose évidemment beaucoup plus de complexité au niveau de l’arborescence mais c’est tout de même étonnant que Battlefront n’ai jamais fourni à ma connaissance -au moins une fois- une campagne « deux joueurs » avec l’un de ses modules.

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