« The Twilight Zone » – Une campagne pour Black Sea sombre et loufoque, à mi-chemin de Stalker et du Monde de Murphy.
« Il n’est nul besoin du recul de l’histoire, nulle nécessité que des experts se penchent sur le puzzle des événements de cet été, pour savoir que le premier d’entre eux, qui s’est produit durant la nuit du 31 août 2017, allait transfigurer la marche tranquille de l’humanité. Pour ma part, J’en fus témoin du balcon de l’appartement que j’occupais alors à Kiev, ironiquement situé en face de l’hôpital où aujourd’hui je me meurs lentement, rongé par les radiations ; car les gens qui se succèdent dans ma chambre n’y prennent même plus la peine de feindre le calme optimisme qu’on a habituellement à l’égard des patients. Je pèle sur tout le corps et de larges surfaces de ma peau sont déjà noires comme la lignite. Ils savent ce que cela signifie et moi aussi.
Je m’appelais -je m’appelle encore- Youri Aleksandrov, et je profitais à l’époque de ce 31 août de l’air tiède d’un été qui devait s’achever bientôt. J’écoutais distraitement la radio où un speaker se félicitait que le cessez-le-feu fût correctement observé depuis trois semaines déjà, exception faite d’incidents sporadiques sans conséquences notables.
L’apparition de la Boule de Feu me tira brusquement de ma rêverie.
Je n’ai pas d’autre terme pour mieux désigner ce soleil ardent et silencieux qui embrasa soudainement l’horizon au Nord, et que tout le monde pût observer durant une pleine minute, avant qu’il disparaisse subitement, sans plus de bruit, aussi vite qu’il était apparu. Et la terre fût bientôt brutalement agitée, pendant un temps qui sembla interminable mais ne dura sans doute pas le temps de compter jusqu’à 10. On sut le lendemain que ce séisme avait été mesuré à 4,6 sur l’échelle de Richter. Une force modérée, mais qui demeurait intrigante dans cette région du globe où l’activité sismique est habituellement pratiquement nulle. Pour cette nuit du 31 août, c’en était toutefois terminé : la lumière des étoiles reprit possession des cieux et la brise, restée étrangement suspendue tout au long de l’événement, reprit tranquillement sa course. Pour un peu, chacun pouvait croire qu’il avait rêvé. J’en fus d’ailleurs pratiquement convaincu jusqu’à ce que quelques heures plus tard, l’aube naissante donne à observer -toujours au Nord- un spectacle météorologique tout à fait fabuleux, qu’on pourrait tenir pour une aurore boréale si la latitude ne rendait pas ce qualificatif absurde. Du reste, depuis ce jour, chaque aube est invariablement nimbée de cette même succession de voiles colorés où domine le vert émeraude. Chaque matin, sans exception, et sûrement au delà de ma mort prochaine.
On ne fît pas grande publicité des vols d’hélicoptères qui se succédèrent le matin du 1er septembre, direction le nord de Kiev, vers la Zone Interdite, celle qui forme un anneau de 30 kilomètres autour de la centrale de Tchernobyl, identifiée comme l’épicentre du tremblement de terre de la nuit passée. On en parla peu parce qu’aucun des engins ne parvint à s’approcher suffisamment pour fournir quelque information utile. On parla d’orages électro-magnétiques. Toujours est-il qu’ils durent tous rebrousser chemin, et l’un des engins fût même perdu corps et biens, sans qu’on sache encore aujourd’hui pourquoi ni comment.
C’est peu avant midi qu’un détachement militaire fît route vers Tchernobyl et Pripyat par voie de terre. Cette fois, il ne fût pas possible de dissimuler l’entreprise au public pour ce quelle engageait une poignée de scientifiques de renommée nationale, dont certains avait vraisemblablement été tiré de leur sommeil par les Autorités. Dans le même temps, les forces militaires de toutes les nations présentes dans la région confluaient rapidement en bordure de la Zone, sans toutefois encore en franchir la limite, par prudence sans doute, mais plus sûrement dans l’attente d’une explication qui puisse suggérer une conduite rationnelle. L’expédition militaro-scientifique s’engouffra dans la Zone l’après-midi du 1er Septembre, parvint à traverser sans anicroche la ville fantôme de Pripyat et à s’installer à proximité de la Centrale Lénine, manifestement à l’origine de tout, comme il y a 30 ans déjà. On sait désormais que les mesures que les membres de l’expédition prirent ce jour là suscitèrent une profonde stupéfaction : pour les scientifiques rassemblés là bas – dont quelques experts de l’énergie atomique- il n’était en effet pas douteux que la production d’énergie avait repris à la Centrale. Non seulement dans les réacteurs 1, 2 et 3 dont l’exploitation s’était poursuivie jusqu’à la fin des années 90…mais aussi sous le sarcophage qui couvrait le réacteur 4, celui là même que chacun savait détruit depuis une triste nuit d’avril 1986. La science démontrait irréfutablement que l’impossible avait forcé les portes de la réalité. Du reste, à peine moins croyable, on ne trouvait nulle trace des centaines d’ouvriers habituellement affairés à l’entretien du sarcophage de métal et de béton. Sans corps ni trace d’aucune violence, on devait bien se rendre à l’évidence qu’ils s’étaient littéralement volatilisés.
Militaires et scientifiques pénétrèrent dans la Centrale en début de soirée. Les vidéos et pistes audio témoignent de leurs premiers pas dans l’édifice silencieux et placide, le long des couloirs désertés de ce qui fût jadis le fleuron de l’industrie soviétique. Deux minutes et quarante-deux secondes d’enregistrement peuvent être exploités avant qu’une brume verdâtre et iridescente n’envahisse rapidement les écrans et ouate les sons jusqu’à les rendre inaudibles; nous ne savons rien de ce qu’il est ensuite advenu de cette expédition et de ses membres. Ce jour là, et pas davantage aujourd’hui, 17 septembre 2017.
Lorsqu’au matin du 2 septembre, on fût certain qu’on ne pourrait reprendre contact avec l’expédition, tous les effectifs militaires (russes, ukrainiens, biélorusses, occidentaux) stationnés à proximité furent placés en état d’alerte maximum, et la Zone fermement bouclée. C’est à ce moment que je reçu l’ordre de rejoindre mon unité malgré la permission qui m’avait été accordée. Je ralliais donc mon régiment dans l’après-midi du 2 ; il s’était installé à Potoky, à quelques 40 km au Sud de Pripyat.
Le 2 et le 3 septembre s’écoulèrent dans un attentisme fébrile. Nous étions -comme notre devoir nous le commande- dans l’expectative d’un ordre supérieur qui nous intimerait la conduite à tenir. Pour l’heure, nous nous contentions de nous assurer que personne ne puisse accéder plus avant à l’intérieur du périmètre de la Zone, ou en sortir sans tomber entre nos mains.
Comme vous le savez, ça n’est que dans la nuit du 3 au 4 que se produisit l’incident qui mit le « feu aux poudres » et a balayé toute illusion de contrôle que les gouvernements pouvaient encore nourrir à propos des événements. Avec le recul, il est presque risible de reconnaître que ce n’est qu’un jeune russe d’à peine 12 ans qui est à l’origine de l’inimaginable et mortelle effervescence des 10 derniers jours. Serguei Dmitriev -c’est son nom- est un jeune campagnard fugueur et aventureux comme on en trouve dans à peu près tous les villages de Russie et d’Ukraine. On ne saura jamais par quel incroyable concours de circonstances il choisit de franchir depuis l’intérieur le périmètre de la Zone, à l’endroit et au moment même où une équipe de télévision américaine interrogeait en direct sa brave soldatesque. La coïncidence est proprement stupéfiante, et ses conséquences le seront plus encore. Le jeune garçon audacieux fût ainsi arrêté sous le feu des projecteurs et les caméras avides des reporters. Pressé par les questions abruptes des militaires, il déclara qu’il venait des abords de la Centrale, comme si ce fût normal. Le monde entier vit le visage inquiet de l’enfant ceinturé par un grand gaillard en habit kaki. Le monde entier vit aussi ce que le sergent de faction tira violemment de la sacoche que le jeune Serguei avait en bandoulière : Six pierres, dont la plus grosse avait la taille d’un poing, et la plus petite ne l’était pas moins qu’une balle de golf. Le moins connaisseur des spectateurs, à la façon dont les pierres étincelaient sous les projecteurs de la télévision, savait comme d’instinct qu’il s’agissait de Diamants. Hors-Champs, on entendait distinctement le gamin qui criait en sanglotant, dans un mauvais anglais « Celles là sont à moi, il y en a plein d’autres ! ». La retransmission fût immédiatement interrompue; les téléspectateurs eurent droit quelques secondes à un message évoquant des problèmes techniques, juste avant qu’une page de publicité vante de la nourriture pour chiens.
Le lendemain matin, on ne trouva plus aucune trace de notre bataillon, si ce n’est les traces des chenilles et roues de nos véhicules. Je sais qu’il en est de même pour toutes les forces militaires étrangères stationnées aux abords du périmètre de la Zone. Sans ordre ni aucun contact avec nos supérieurs et nos nations, nous nous étions comme tous concertés sur la conduite à tenir. Nous avions tous pénétré la Zone… »
The Twilight Zone est une campagne en préparation pour Black Sea qui nécessite moins à cette heure votre « pré-inscription » que votre collaboration, en particulier pour modéliser Pripyat, Tchernobyl et leurs environs immédiats, situés dans la Zone d’exclusion définie peu après la catastrophe de 1986. Ces lieux censément déserts sont l’enjeu depuis quelques années d’une sorte de « tourisme morbide », source d’une iconographie particulièrement riche. Il me semble que peu de villes habitées de taille comparable ont été aussi abondamment photographiées que la ville fantôme de Pripyat (une visite via Google Earth est éloquente). Un paradoxe et une aubaine pour le créateur de cartes scrupuleux. Le système de campagne, qui reste à mûrir et formaliser, se dirige vers une solution proche de celle retenue par Mik in the Mist pour Beyond Overlord, elle même fortement inspirée du système Flames of War pour le jeu de figurines. Mais le système comportera une autre facette essentielle, envahissante, qui justifiera pleinement le choix du titre « Twilight Zone ». J’en conserve encore secret le principe, mais je puis vous affirmer sans prétention excessive que ce volet du système vous fera jouer à Combat Mission d’une manière jamais éprouvée auparavant. Je vous garantis ainsi de l’inédit, de l’inhabituel ; reste à travailler la chose pour vous assurer, en sus, que ce soit ludique et intéressant.