La Main de Dieu

Diego-Maradona-main de dieu combat mission

 

l'IA est une sale petite grugeuse ; L'IA marque des buts avec la Main de Dieu …C'est -sinon une certitude absolue- du moins une hypothèse que je vais tâcher de bien étayer.

Ce n'est pas cette sorte de découverte qu'on fait après de patientes recherches orientées, mues par un doute initial sur le sujet. C'est au contraire -comme souvent- de celles qu'on fait par hasard, chemin faisant, alors qu'on cherchait tout autre chose, et qu'on est interpellé par d'inexplicables anomalies dans ses résultats. Pour tout vous dire, si on m'avait auparavant interrogé sur l'éventualité d'un « coup de pouce » à l'IA, j'aurai probablement répondu que je n'en savais rien, mais que je serais surpris qu'une telle chose existe. Si fait, elle existe belle et bien pourtant.

Entendons-nous sur la catégorie d'IA dont il s'agit, car Combat Mission en comporte deux sortes, qui sont tout à fait distinctes.

La première, la plus « élevée », est à l'oeuvre dans l'exécution du Plan IA. C'est à cet échelon que ce situe ce qu'on peut dénommer le « joueur-ordinateur ». En effet, c'est pour le camp opposé (en solo) la même place que celle du joueur humain : celle d'où on déplace les troupes vers les objectifs, définit les tempos et les cibles. Le Plan IA simule l'intelligence et main de l'homme, avec toutes les imperfections qu'on est en droit d'anticiper de la part d'un simple mécanisme

Notez bien qu'il y a bien toujours un être humain qui a œuvré derrière chaque Plan IA : c'est la personne qui, en concevant un scénario donné, a programmé le comportement du joueur-ordinateur à l'aide de l'éditeur IA.

Sans Plan IA, les unités demeureraient immobiles, vouées à ne réagir qu'individuellement et de façon désordonnée aux stimulations extérieures. En somme, sans plan IA, les unités se comportent comme celles d'un joueur humain qui ne les joue pas. A ce niveau, je conçois peu d'espace pour l'escroquerie. Un bon Plan IA témoignera plutôt de l'oeuvre d'un bon concepteur que d'autre chose. A la limite, seules des unités qui se « téléportent » pourraient mettre la puce à l'oreille. Or, on n'a jamais rien vu de tel.

La seconde catégorie, la plus « basse » et la plus particulière est appelée « IA tactique ». Il s'agit de celle qui régit le comportement individuel des soldats en fonction de la situation avec et/ou sans ordres attribués. C'est cette IA qui oriente spontanément un soldat vers une cible en vue, lui fait faire feu sans ordre explicite, le fait se jeter à terre sous l'effet de la suppression ou prendre la poudre d'escampette (toujours sans ordre) lorsque son moral est endommagé. C'est aussi cette IA qui, en cas de péril majeur, poussera l'unité à contrevenir aux ordres pour assurer son auto-préservation. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que l'IA tactique s'impose aussi bien au joueur humain qu'au joueur-ordinateur, chacun pour ses propres unités.

Lors d'une partie en solo, nous avons donc d'un côté un joueur humain qui donne ses directives et doit composer avec l'IA tactique de ces soldats et de l'autre, un joueur-ordinateur (Plan IA), qui doit lui aussi faire avec l'IA tactique de ses propres unités. Si les deux IA tactiques sont supposées équivalentes, seuls les ordres respectifs sont susceptibles d'être décisifs.

Or, il semblerait que l'IA tactique avec laquelle compose le joueur humain soit moins favorable à ce dernier que l'IA tactique ne l'est pour le joueur-ordinateur. Il y aurait connivence à des fins d'escroquerie entre les deux IA.

Je m'en suis aperçu tout à fait par hasard, le mieux étant encore de vous rapporter mon expérience depuis ses débuts.

Une histoire de défilement

Mon intention initiale (et c'est toujours une intention qui fera l'objet d'un prochain article) était d'observer/mesurer les effets positifs du défilement de tir pour un blindé, opposé à un autre qui ne bénéficierait pas de cette situation tactique favorable. Je souhaitais « peser » l'avantage procuré par cette position, en terme de chances de détruire/être détruit par l'ennemi d'une part, et de chances de détecter/être détecté d'autre part.

Je conçois pour cela une situation-test en éliminant les éléments qui pourraient selon moi biaiser les résultats.

J'aligne dix T34/85 en défilement de tir, opposés à dix autres T34/85 -face à face- ces derniers ne bénéficiant pas du défilement. Les 20 chars sont strictement équivalents, équipages compris (Réguliers +0/ en forme / motivation normale). Le choix du modèle de chars n'a aucune importance, du moment que tous les chars sont du même modèle. Je joue d'abord en solo côté chars en défilement.

 

Défilement de tir

…et je laisse tout bonnement tourner le compteur…

Ce dernier point est important car il signifie que la situation n'est pas « jouée » (au sens qu'il n'existe pas d'interaction avec l'action). De mon côté, je ne donne aucun ordre en tant que joueur humain et de l'autre, le joueur-ordinateur ne dispose d'aucun Plan IA. Seules les IA tactiques respectives sont donc à l’œuvre pour décider des tirs, des manœuvres de repli, des éventuels abandons de chars ect…

Durant ce test, je comptabilise toutes les 10 secondes le nombre de chars que « mes » chars en défilement parviennent à détecter, avec l'intention d'effectuer ensuite le test inverse (partie en solo côté chars exposés) pour connaître la réciproque.

Au terme de 2 minutes (sans aucun intervention), durée qui correspond généralement à la mort subite d'un des deux camps (qui perds peu ou prou ses 10 chars), je comptabilise également les pertes de chaque côté. Je répète ainsi l'opération 10 fois, toujours côté chars en défilement et obtient donc un série de 100 oppositions de chars (10 fois 10)

Le résultat de cette première série est le suivant (je n'évoquerai que les pertes) : 83 pertes occasionnées par les chars en défilement contre 45 pertes subies.

J'ai donc un premier résultat assez logique qui confirme l'avantage tactique du défilement de tir, avec un rapport d'environ 1 pour 2.

J'aurais pu en rester là mais -souvenez-vous-, il me faut aussi comparer les capacités de repérage. Or, à ce stade et puisque je joue côté chars en défilement je n'ai que les données qui correspondent aux capacités de repérage de ces chars ou « mes » chars si l'on veut. Il me faut donc refaire une série en me mettant cette fois côté chars exposés contre les chars en défilement.

exemple détection

Illustration des tests de détection – ici, vous observez combien de chars adverses sont détectés/repérés au bout de 20 secondes de jeu. J'ai collecté les résultats à 10 secondes, 20, 30 et 40 secondes. Arrivé à ce moment, ce sont généralement la totalité des chars adverses qui sont repérés. Poursuivre le test au delà de 40 secondes s'avère peu pertinent, puisque les pertes réciproques commencent à biaiser les résultats initiaux.

Aussitôt dit, aussitôt fait, tout en notant scrupuleusement les résultats de détection…ainsi que les pertes…Qui sont cette fois de 100 pour 10 en faveur des chars en défilement !

100 pour 10. On passe allégrement d'un rapport de 2 pour 1 à un ratio de 10 pour 1, et ce pour une situation pourtant parfaitement équivalente, exception faites des camps respectivement tenus par l'humain et l'ordinateur. J'aurais admis sans état d'âme un différentiel plus modeste, mais une telle différence avait de quoi troubler.

Je me contente donc de tenir au chaud mes chiffres de détection et décide de me concentrer sur ce possible mystère, en interrogeant ce qui semble être alors une anomalie statistique.

En premier lieu, je fais l'hypothèse qu'un élément négligé pourrait être à l'origine de l'écart : j'ai en effet lancé ma partie en « Skill Level » Fer.

Bien que ce n'est nulle part indiqué dans le manuel ni ailleurs, on peut fort bien imaginer qu'en sous-main, l'IA tactique se révèle plus retorse lorsque le Skill Level « Fer » qu'aux niveaux moindres. Le Skill Level serait donc bien un niveau de difficulté en tant que tel (au sens d'opposition relevée), à la manière de beaucoup d'autres jeux.

J'enclenche une nouvelle série (pour laquelle je n'enregistre que les pertes) à la tête des chars en défilement contre les chars exposés, mais cette fois au niveau « Entraînement de base ».

Le résultat est de 81 contre 43 (je rappelle qu'en « Fer », il était de 83 contre 45), autant dire que les résultats sont pratiquement identiques, se font écho et se renforcent.

Nouvelle série avec les camps inversés au niveau "entraînement de base"…et le résultat est cette fois de…100 pour 10, strictement identique et qui confirme l'écart constaté lors de la première série.

Le Skill Level n'est pas l'explication, la seule qui tienne est que l'IA tactique est tout simplement plus favorable au camp IA, toutes choses égales par ailleurs

Pour la bonne bouche, je mets en place deux séries « Témoins » en chaise tournante (cette fois, ce sont donc deux camps « joueurs-humains »), m'attendant logiquement à des résultats qui viennent se placer entre les deux.

Bingo ! 89 contre 21 pour le Skill Level « Fer » et 92 contre 37 pour « Entraînement de base ». Quoique ces deux séries obtiennent des résultats assez disparates, ni l'un ni l'autre ne sortent de la tranche médiane. Je n'y vois pas de quoi contredire ma conclusion, mais plutôt bien un nouvel argument pour l'accréditer.

 

Tableau main de dieu

Tableau-compilation des résultats

On peut objecter qu'une explication n'a pas été examinée : celle qui tiendrait à un différence de traitement du matériel. Les T34 de l'IA serait-il subtilement et scandaleusement plus solides que ceux du joueur ? Possible, mais je n'y crois pas.

Par contre, l'hypothèse que les soldats contrôlés par l'IA tactique du camp IA détectent mieux, visent mieux et flanchent moins au moral (comparé à l'IA tactique avec laquelle compose un joueur humain) me paraît tout à fait sensé, et conforme à l'ensemble des observations.

Quelles conséquences ?

Finalement, bien peu dans le cours d'une partie. Tout juste le joueur qui affecte de jouer en solo sait désormais que l'IA bénéficie d'un coup de pouce du destin, de la « Main de Dieu », ce qui lui rend la tâche ni plus ni moins ardue que s'il ne le savait pas.

Le joueur qui ne joue qu'en mode multi en tiendra encore moins compte puisqu'il semble dans ce cas que l'IA tactique se comporte de manière impartiale.

En réalité, l'impact visible ne se cantonne donc essentiellement qu'aux situations expérimentales.

Il n'est en effet pas possible de prendre pour argent comptant une balance constatée contre l'IA comme fiable et pertinente pour juger d'une situation joueur contre joueur. Des « tests d'opposition », comme nos séries en défilement de tir n'obtiennent vraisemblablement des résultats probants que confinés au mode de jeu où ils ont été effectués. Cela signifie qu'un test d'opposition contre l'IA ne produit des résultats qui ne sont valables que pour le mode solo, tandis que le mode « chaise-tournante » paraît nécessaire pour obtenir les valeurs propres au multi. A savoir.

 

 

11 Responses to La Main de Dieu

  1. mikinthemist dit :

    Belle démonstration et fine trouvaille.
    On saura désormais ce qu’il en est quand on fera des tests.

    J’imagine que BF a voulu corser le challenge quand on joue contre l’IA. Il faut dire que l’IA stratégique (ta « première ») est si lamentable qu’il faut bien compenser quelque part.

  2. Alma dit :

    Tiens, tiens, j’ai fait des tests à peu près pareils, mais dans un autre but, que j’ai failli mettre en ligne ici !
    Je résume… set-up, quasi le même, mais pas de défilement de tir. Un terrain tout plat. 10 chars T32 de chaque côté à 1000 mètres. Jeu en chaise tournante.
    Ce que je voulais montrer c’est le côté tout ou rien d’un affrontement à force égale. C’est effectivement ce que j’ai montré : le gagnant gagnait en moyenne à +7 (différence finale des chars restants). Rarement à +1 ou +2. Logique, car le moindre avantage, même d’un seul char ne fait que renforcer l’avantage, ainsi, le premier à dégommer le premier char adverse remportait très probablement à +7 à la fin. La conclusion, c’est qu’il ne faut attaquer avec des chars (en rase campagne etc..) que si on est sûr d’être en avantage numérique large.
    C’était des tests un peu en réaction par rapport à un AAR de Carlos (Le passage), où il m’a semblé détecter une petite faiblesse dans un des plans. Car pour chaque axe d’attaque (droite – gauche – centre), il n’était pas sûr d’être en rapport de force suffisant (c’est un peu comme la théorie des jeux ou la meilleure tactique c’est pas de diluer mais d’être sûr de le remporter au moins sur un axe d’attaque (dites-moi si je suis pas clair !).
    Bref, en faisant ces tests, non pas en chaise tournante, mais contre l’IA, j’ai détecté un problème tout simple : l’IA peut déverrouiller ou verrouiller le char quand il veut au cours du tour… et commençait systématiquement déverrouillé, et avait donc un avantage décisif sur la détection des cibles. Peut-être que tu as dépassé ce problème, mais ça tient à si peu dans de tels cas pour basculer d’un côté ou de l’autre !

  3. Carlos dit :

    Peut-être que tu as dépassé ce problème, mais ça tient à si peu dans de tels cas pour basculer d’un côté ou de l’autre !

    Nooon ! Oh My God, je n'avais pas fait attention à ça ! Tu as effectivement raison: bien que l'IA démarre chars-verrouillés, elle déverrouille systématiquement dès les premières secondes.

    Ce qui est une action à l'initiative du joueur-humain (déverrouillage) dans un cas, est inclus dans l'IA tactique du joueur-ordinateur dans l'autre (le verrouillage en cas de menace, par contre, est bien dans L'IA tactique dans les deux cas).

    Tu penses bien que je viens donc, la boule au ventre ( :D) de refaire une double série de tests en prenant en compte ce nouvel élément jusqu'ici négligé. Puisqu'il est impossible d'obliger l'IA à tenir ses écoutilles closes, j'ai débuté mes tests en déverrouillant aussi côté camp humain.

    Cette nouvelle "double-série" pondère 'achement les précédentes. On a 89/31 au lieu de 83/45 dans le cas Humain contre IA et 99/18 au lieu de 100/10 dans le cas IA contre Humain.

    Si une différence persiste entre les séries, elle est beaucoup plus ténue. Peut-être pas de quoi rejeter l'article "La Main de Dieu" au rang des grossières erreurs du 21ème siècle, mais sans aucun doute suffisamment pour le rebaptiser "Le Doigt de Dieu". 😛 Il conviendrait sans doute d'étendre la série (sur 1000 ?) pour vraiment être certain du fait.

    Terrible ! Bravo et Merci Alma. (Je vis maintenant dans l'horrible angoisse d'avoir oublié autre chose qui explique l'autre partie du différentiel)

    Bien vu également ta remarque (dommage qu'on ait pas été jusqu'à l'article) sur l'effet "boule de neige" d'un premier avantage acquis sur l'adversaire. Sans doute pourrait-on sur une longue série pouvoir tracer une courbe de Gauss inversée (en cloche inversée) pour figurer les rapports de pertes (extrêmes élevés, résultats médians bas).

    Quant à "The Passage" précisément, puisque l'AAR a probablement définitivement pris l'eau, il conviendrait que je mette à l'occaz au moins d'écran final (le dernier fichier est toujours sur Dropbox, il a échappé au crash du DD)

    c’est un peu comme la théorie des jeux ou la meilleure tactique c’est pas de diluer mais d’être sûr de le remporter au moins sur un axe d’attaque (dites-moi si je suis pas clair !).

    Si si, tout à fait clair 🙂

  4. william44 dit :

    Est ce que ce que décrit Alma peut expliquer tes stats Carlos ? L’IA dévérouille et revérouille, améliorant ses chances de détections tout en s’abritant souvent ?

  5. william44 dit :

    ah ben on s’est croisé en écrivant !

  6. Carlos dit :

    Ah ben Salut William, bienvenu sur ces ondes. 🙂

    Oui, je recompile donc en plus court (ce qui me fera du bien :D): le déverrouillage semble expliquer une partie du différentiel mais pas nécessairement la totalité. A confirmer en augmentant la série (et peut-être jouer sur une observation plus qualitative que quantitative en tentant de saisir ce qui joue vraiment)

    améliorant ses chances de détections tout en s’abritant souvent ?

    Sur une durée aussi courte que 2 minutes, et avec le volume de tirs dans la situation testée, je vois que les chefs de chars qui s'abritent après avoir eu "chaud" ne rouvrent pas les écoutilles durant la période. Il n'y a pas (ou peu) "d'aller-retour" dedans/dehors.

  7. william44 dit :

    Si l’IA commence déverrouillée, il faudrait faire de même pour voir : de toute façon tes chars vont vite verrouiller aussi, en toute logique …
    Je dis ça, mais ça doit pas être rigolo de faire 10 fois ce test… juste une idée, quoi… 🙂

  8. Carlos dit :

    Si l’IA commence déverrouillée, il faudrait faire de même pour voir : de toute façon tes chars vont vite verrouiller aussi, en toute logique … Je dis ça, mais ça doit pas être rigolo de faire 10 fois ce test… juste une idée, quoi…

    Ben..c'est justement ce que j'ai fait immédiatement, et ce que je précise un peu au dessus. Je me cite:

    "Tu penses bien que je viens donc, la boule au ventre ( :D) de refaire une double série de tests en prenant en compte ce nouvel élément jusqu'ici négligé. Puisqu'il est impossible d'obliger l'IA à tenir ses écoutilles closes, j'ai débuté mes tests en déverrouillant aussi côté camp humain. Cette nouvelle "double-série" pondère 'achement les précédentes. On a 89/31 au lieu de 83/45 dans le cas Humain contre IA et 99/18 au lieu de 100/10 dans le cas IA contre Humain. "

  9. fross dit :

    J’ai toujours pensé que l’IA trichait… 😉

    Fross

    • RouquinMalin dit :

      Moi aussi surtout quand « comme par hasard » l’unité gérée par l’I.A. occupait la position adéquate pour te tirer dessus tout en étant à l’abri des tiens…

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