Que Michael Wittmann ait été un excellent tankiste ne fait pas de doute. Mais pour autant, son auréole d’As émérite ne brille pas uniquement du terne éclat qu’est capable de dégager un « simple » bon professionnel de la guerre.

N’oublions pas que Wittmann était non seulement militaire de carrière, mais avait aussi saisi son billet pour les SS, ce qui le rend suspect d’être encore moins fréquentable que votre Belle-Mère. Toutefois, à ce titre et ajouté à un pécule confortable de victoires sur l’adversaire, Wittmann était un excellent client pour lubrifier les rouages de la propagande Nazie.

Quelle est la part de la propagande dans les mérites de Wittmann? On ne le saura probablement jamais; mais ce dont on peut être certain, c’est que sans elle, il n’aurait jamais inspiré tant de crainte ou l’admiration.

Déjà lorsqu’elle était victorieuse, mais plus encore lorsqu’elle était à l’agonie, l’Allemagne jouait de ces mythes vivants (ou morts) capables d’insuffler le courage par l’Exemple, et de persuader le « petit » que la volonté seule peut triompher d’un contexte défavorable, que l’Impossible n’est qu’une sorte d’argile qu’on façonne aisément à la force du corps et de l’esprit.

Du reste, on aurait tort de croire que seule l’Allemagne s’est servie de ces personnages fabriqués « illustres ». La France elle-même eut douloureusement besoin de ces exemples capables de raviver une fierté souillée, et jusqu’à l’honneur diffamé de la nation. On alla chercher des âpres résistants pour en faire des héros, et des martyrs s’ils étaient fusillés -ce qui dispensait de savoir ce qu’ils auraient pensé de cette tardive sacralisation (et de rappeler que c’étaient des mains françaises qui les avaient livré). D’honorables faits d’armes, mais insignifiants par leur ampleur -tel Bir Hakeim- ont été faits « formidables ». Enfin, il y en eut bien pour ramasser la mise, tel le Général De Gaulle, qui ne désirait rien de plus qu’on lui porte des lauriers.

Mais cette époque de fantasmes incarnés « sur-mesure » n’est-elle pas révolue? « Bien sûr! », affirmera t’on vivement comme pour se mettre à distance de ces périodes obscures! Le troisième millénaire nous a probablement fait moins bêtes, et nous permet de jouir d’un esprit critique et d’un Savoir assez affûtés pour déshabiller les mythes et voir les hommes à nu pour ce qu’ils sont, et rien de plus.

Mais alors, d’où provient cette excitation qui, aujourd’hui encore, vous fait doucement vibrer à l’idée de revivre les dernières minutes de la vie de Michael Wittmann, le 8 août 1944, aux commandes de son Tigre, et peut-être déjouer l’Histoire? Est-la « queue de comète », la braise encore rouge d’un appareil de propagande heureusement enseveli sous 70 ans d’Histoire? Ou n’est-ce finalement que la continuité d’un mécanisme qui a quitté les jupons de l’Etat-Nation pour que vous fabriquiez  généralement vous-même vos héros sur les pelouses des stades, à la tribune des grands rassemblements, ou sur un plateau de télévision? Méfiez-vous de Vous…

Dernier ajout: Traduction du Scénario « Wittmann’s Demise« de George Mac Ewan, consultable en ligne et téléchargeable depuis la nouvelle section « Et pour quelques scénars de plus ».

En image: Epave du Tigre 007 de Wittmann; son dernier.