Contexte historique:
Si dès le soir du 6 juin 1944, les tenants allemands du « Jour le plus long » estimaient la partie perdue d’avance en Normandie, le 7 août 1944, ça commence très franchement à sentir le roussi au point de piquer les narines jusqu’en Bavière.
En effet, fin juillet, les alliés ont enfin obtenu et exploité la percée qu’ils cherchaient depuis des semaines. Au terme de l’opération Cobra, la ligne de front est rompue dans la manche (secteur américain) et les américains se déversent allègrement en Bretagne et au centre, avec en ligne de mire l’enveloppement des forces allemandes demeurées sur le reste du front de Normandie (Ce qui se fera finalement dans ladite poche de Falaise)
Sur les ordres d’Hitler, plutôt qu’un repli général derrière la Seine, toutes les unités mobiles allemandes qui ne sont pas enlisées sur la ligne défense vont au contraire tenter une contre attaque, dite « Contre-Offensive de Mortain » – Opération Lüttich en allemand.
L’enjeu est d’isoler les unités américaines, ayant percé au sud, de leurs lignes de ravitaillement, en refermant le corridor à Avranches, provisoire pierre angulaire des ambitions alliées.
L’épisode « Huzzar » dans la bataille de Normandie:
Ceci dit, l’historicité du Scénario Huzzar ! pose problème. N’ayant sacrifié aucun effort un tant soit peu documentaire, Huzzar contient une masse d’incongruités telle que déjà qualifier le scénario de « Semi-historique » est assez généreux.
* Le 7 août, lors des premiers mouvements de l’opération Luttich, la ligne de front n’est plus dans la région de Coutances (la carte opérationnelle du briefing indique pourtant un engagement dans ses abords) mais au moins 50 km au Sud-est.
50 km peuvent paraître dérisoires à l’échelle de la steppe russe, mais c’est un sacré écart en normandie, surtout eut égard au piétinement des alliés avant Cobra.
* Ensuite, la seule indication géographique sur la carte tactique est celle de la rivière « Souleuvre », qui traverse le champ de bataille. Aucun autre lieu n’est gratifié d’un nom propre, à l’exception des panneaux indicateurs (j’ai été regardé jusque là !) qui, s’ils indiquent tout de même des villes de normandie -avec le kilométrage- ne permettent aucune autre triangulation que parfaitement fantaisiste. Fallait pas rêver, les panneaux sont bels et bien « génériques », déjà content qu’ils décorent le paysage.
Or, la rivière Souleuvre permet assez facilement de réduire le champ des investigations : elle ne fait en effet que 18 Km de long…mais ne coule ni près de Coutances, ni près de Mortain, théatre principal de l’opération Luttich.
Son débit, en outre, ne fait que peu songer à l’imposante rivière de la carte tactique. En réalité, la Souleuvre n’est gère qu’un ruisseau. On est plus à ça près.
* Sur les 18 km de la Souleuvre, je n’ai pas non plus trouvé de disposition de lieux réels qui rappelle, même de loin, le terrain des combats de Huzzar. Nul village qui borde ainsi la Souleuvre, flanqué d’une voie ferrée.
Avec un sacré effort d’imagination et en se mettant volontaires des oeillères, on pensera tout de même au viaduc de la Souleuvre qui, les yeux bien plissés, pourrait évoquer le viaduc présent sur la carte d’Huzzar.
On précise d’ailleurs que ce Viaduc fût détruit lors de bombardement en 1944, de la même manière qu’il est détruit dans Huzzar ! Ce qu’il en reste, aménagé, sert maintenant de plateforme pour tentative de suicide à l’élastique.
Il n’en faut pas plus au rêveur exalté et inconscient pour parvenir à faire le parallèle entre ce vrai viaduc et…ça :
Même si on arrive à force d’imagination à s’en convaincre, le rapprochement demeure toutefois un élément concret bien maigre pour ancrer le virtuel dans la réalité.
Aucun bourg n’est en effet situé à proximité immédiate du viaduc en vraie Normandie, à contrario du viaduc représenté dans Huzzar !
Plan de bataille:
Après qu’au dessus on ait pu se renseigner du Briefing, la carte tactique.
La vue proposée est orientée « Nord », à l’inverse de la majorité des vues qui vous seront dévoilées par la suite, orientées « Sud ».
J’ai la faiblesse de préférer commander mes troupes dans le sens qui est naturellement plus commode à l’esprit. Il faudra donc demander à l’allemand les screens « inversés » ou vous résoudre à faire souvent pivoter votre écran sens dessus-dessous pour rester conforme à la carte tactique.
Deux ponts constituent les objectifs principaux de la bataille, avec une forte prime pour parvenir à prendre pied sur la rive opposée. C’est à chaque fois 100 pts pour tenir « mon » côté, et 300 de plus pour tenir la « rive allemande » près du pont.
Quatre objectifs secondaires valorisent la pénétration en profondeur ou plutôt l’exploration puisque « toucher » les zones suffit à marquer les points, 80 à chaque fois (PO1, PO2, PO3, LOA Blue)
Je montre ici deux panoramas de la zone (vous l’avez compris, le sud est cette fois en haut) de façon à nommer un certain nombre de lieux et de voies, que je tâcherai d’utiliser dans le cours de mon récit, afin de faciliter la spatialisation du lecteur.
En outre, le second screen vous dévoile de façon rudimentaire le plan de bataille arrêté pour mes troupes.
J’ai déjà joué par deux fois le scénario côté américain (et jamais côté allemand en PBEM). Tirant les leçons de cette double expérience, j’en viens à tenter de parfaire ce qui a été mené deux fois avec… des succès divers.
Lors de mon premier engagement sur cette carte, j’ai initié une avancée blindée précoce et massive au centre, par le « terrain de boules ». Arrêté avec pertes et fracas sur cette zone à découvert par des panthers disposant de lignes de vue favorables, j’ai replié les survivants, laissant au moins 5 Shermans sur le carreau, pour engager une progression alternative par le « bras d’honneur ».
Ce fût là ce qui s’est révélé être une riche idée, servie par l’imprévoyance de mon adversaire de ce côté là. Une fois passé le gué, on pénètre dans un vaste réseau de champs étroits clôturés de haies typiques du bocage.
L’infanterie (que l’américain a en nombre supérieur) y est magnifiée et toutes les distances de tir raccourcies…ce qui vient amoindrir l’écart qualitatif entre Shermans et Panthers.
Les « Champs fleuris » me furent donc profitables, si bien que je renversais presque le cours de cette première partie, en infligeant de sévères pertes à un allemand un peu grisé de son premier succès.
Nous terminions exsangues sur une égalité aux points et je demeure convaincu que sans la saignée que j’ai subi en début de partie, je possédais assez de troupes pour aller plus loin et emporter la décision.
Lors de ma seconde partie, j’enclenchais donc déjà le plan que vous voyez là, en mettant dès le départ le « paquet » à gauche. Ce fût dans la réalisation que je pêchais. J’ai largement sous-estimé l’effet goulot d’étranglement de ce que je nomme sur la carte « Bras d’Honneur ». On a là un chemin étroit et un coude, dont les blindés ne peuvent s’écarter, et même l’infanterie est grandement impuissante à efficacement tourner la position.
Encouragé par une phase de reconnaissance très favorable pendant laquelle je disperse de nombreux blindés légers adverses, je file directement vers le « Stand de tir » avec de modestes Stuarts, et laisse le goulot sans gardien.
Les Stuarts pris à revers et le goulot promptement rebouché par l’allemand, mes Shermans iront s’écraser sans succès contre l’adversaire, auquel il a suffit d’un Stug et de quelques équipes AC pour me tenir en respect.
Je n’ai donc tout simplement pas pu ne serait-ce qu’amorcer mon mouvement principal, et ait écopé au final d’une défaite aux points pour ne pas avoir été assez mordant ailleurs.
Je rédige en quelques points essentiels mes intentions pour cette troisième partie:
* A gauche, la majorité de ma reconnaissance, visant à se rendre maître du Bras d’Honneur et laisser cette voie ouverte pour les renforts.
* Renforts blindés :
-6 chars à gauche parmi les meilleurs/ plus expérimentés
-2 au centre seulement retranchés sur la forte ligne du Belvédère, disposant d’une excellente vue sur la rive d’en face.
-3 chars à droite, pour un objectif qui reste secondaire.
-4 chars en réserve, stationnée vers le centre.
*Renforts d’infanterie :
– Deux sections renforcées à gauche
-Une section (diminuée) à droite.
– Personne au centre, si ce n’est mes observateurs d’artillerie et les renforts de la section anti-char.
Une fois rendus maître de la ligne dite du « Stand de tir », les lignes de vue depuis cette position additionnées à celles depuis le Belvédère rendent difficilement supportable pour l’ennemi la conservation de Carville, qui devrait être par la suite aisément emportée par le contournement massif.
Trois vues. Le Centre (avec le Belvédère au premier plan), la gauche (et son fameux Bras d’Honneur) et enfin la Droite.
Le groupe de reconnaissance est constitué de :
* Trois QG de section embarqués dans mes M8 (blindé léger) sous les directions respectives du Sergent-Chef Ernst (1ère section), du Sergent Nevitt (2ème section) et du Lieutenant Reeves (3ème section) soit trois M8.
* Deux deux Jeeps indépendantes, qu’il est donc possible d’attribuer à une section ou une autre.
* De Quatre Stuarts (Char Léger), également indépendants, qu’on peut donc répartir à loisir.
En cohérence avec l’objectif principal, c’est la section côté gauche qui sera la mieux dotée, avec en ligne de mire la reconnaissance et la sécurisation du gué et du chemin du « Bras d’honneur », voie d’accès essentielle à la manœuvre de contournement ultérieure. Il convient donc de ce côté là d’être les premiers et de se positionner fermement sur l’objectif pour tenir le temps que rappliquent les renforts d’infanterie et blindés sérieux.
Je n’attribue donc pas moins des quatre Stuarts à la troisième section de Reeves pour faire l’effort à gauche, gageant qu’ils constitueront un groupe solide en cas de mauvaise rencontre face à la Reco Allemande, et pourront même donner à réfléchir à un Stug en vadrouille.
Ainsi, les deux autres sections se contenteront du minimum syndical, soit une Jeep et un M8 pour la section Ernst à droite, et la même chose pour la section Nevitt au centre, chargée d’aller prendre l’air sur le Belvédère.
Vue des deux véhicules du Groupe Réco Ernst, qui n’ont pas pour objectif d’aller très loin, la route croisant rapidement une voie d’accès possible pour les allemands. préférant l’embuscade à la pointe avec un seul M8, je m’arrêterai juste avant le « potentiellement fatal » carrefour, d’où peuvent déboucher des pumas.
Au centre (sans les arbres), le petit groupe Nevitt qui file vers le Belvédère. On remarquera ma crainte des virages où j’ordonne très fréquemment de modifier l’allure à la baisse. Sans doute inutile pour des véhicules plutôt agiles comme ceux là mais…un écart de route fait souvent perdre énormément de temps.
Enfin, à gauche, le groupe Reeves, le mieux doté, qui s’élance en colonne (5 secondes de pause entre chaque départ de chaque tank, par prudence aussi). Les deux derniers véhicules de la colonne auront pour mission de s’écarter du chemin principal afin de flanquer le groupe côté gauche en se traçant une route au coeur des vergers qui s’y trouvent.
Il est en effet possible, quoiqu’à mon sens relativement improbable, que des unités de reconnaissances allemandes débouchent au milieu des vergers à gauche. Je ne tiens pas à les accueillir sur le flanc de ma colonne ou, presque pire, les laisser derrière moi sans les voir lorsque mes transports de troupe passeront à cet endroit.
Au terme de la première minute, la première section à droite parvient aisément jusqu’au point de halte. Sauf occasion particulière, il n’iront pas plus loin avant l’aube et l’arrivée des copains.
A moins que l’allemand ne fasse un détour alambiqué hors de leurs vues, ces soldats devraient à minima me prévenir de toute tentative d’infiltration visant à m’interdire le franchissement des gués sur le bras secondaire de la Souleuvre.
Sur ma moitié de carte, deux points de passage seulement permettent un transfert du centre vers la droite. Etant donné qu’aucun renfort ne parviendra directement par le flanc droit, il me faudra bien les emprunter pour, à terme, avancer de ce côté.
Pour l’heure, ils n’ont guère qu’à se griller quelques Camel en devisant des élans reconnaissants des jeunes normandes.
Au centre, le second groupe avance rapidement, sans anicroche, le long de la route de Saint-Jean de Daye avant de virer à hauteur des Granges Rouges, qu’ils atteindront dès le prochain tour.
Le Gros groupe Reeves se met donc en branle, en très bon ordre, le long du chemin Saint-Georges, direction le gué-cible.
Je suis alors assez désagréablement stupéfait du dense nuage de poussière produit par la colonne.
Alors que je confiais à Zaariel par mail que nous allions jouer au Cache-cache, celui-ci me répond
« Tu te caches en roulant à 90 sur des routes de campagne toi? », me laissant soupçonner qu’à moins d’avoir clairement vu un engin, cette poussière soulevée trahit mon avance côté gauche, quoique mes chars restent « invisibles » et malgré l’obscurité du petit matin.
Vue générale de l’avance de mes unités de reconnaissance au terme du tour.
Le groupe Reeves au premier plan qui dépasse la Ferme du Père Bigot, Le groupe Nevitt au second, puis enfin le groupe Ernst, au delà du bras secondaire de la Souleuvre. celui-ci, comme je l’ai dit, a fait halte.
Je ne modifie aucunement mes ordres pour le tour suivant, sinon que côté gauche, le char de tête scrutera avec sa tourelle chaque trouée dans le bocage avec plusieurs ordres « Arc de tir », tout en maintenant comme les autres un ordre de progression dit « traquer » (c’est à dire avance à rythme modéré avec arrêt immédiat en cas de repérage d’un ennemi)
Comme prévu, les deux derniers de la colonne se déporteront à gauche pour avancer en parallèle au milieu des vergers.
L’aube va bientôt pointer mais il fait encore sombre. Ni ombre, ni souffle d’un seul soldat allemand pour l’instant.
PS: Vous trouverez probablement les images très sombres. C’est évidemment l’effet de l’heure matinale. Que les mal-voyants se rassurent, la clarté s’impose graduellement dans le premier quart d’heure, offrant progressivement des images plus confortables à l’oeil.